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66. Snow ~ Le Pacte, deuxieme partie

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EloreCohlt's avatar
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Les mois avaient passé, depuis le Pacte. Les mois s’étaient écoulés, ma vie avait changé. Tout sembla me tomber dans les bras : femme, enfants, reconnaissance, argent. Moi qui n’étais pas utile à la société, je me retrouvai bientôt à la tête d’une compagnie et mon bureau donnait sur la ville. Je n’étais pas égoïste pour autant, j’avais pour principe de donner aux bonnes oeuvres et je le faisais. J’épousai peu après la femme qui tomba amoureuse de moi la première, une blonde au regard pétillant. Nous eûmes un enfant, un petit garçon nommé David. Et depuis peu, une petite fille grandissait dans son ventre.

J’avais tout voulu, j’avais tout eu. Ma vie était un chef d’oeuvre de perfection, j’avais de nouveau tout ce qu’il me fallait... ou presque.

Depuis le Pacte, je ne dormais plus. Et si ce n’était pas un problème en soi, je savais que la raison de mes insomnies en était un et pas des moindres. Mais je la fuyais, je faisais exprès de l’ignorer. Je partais en voyage, signais les contrats. Tout pour échapper aux conséquences qui me couraient après, tout pour ne pas voir que, au final, j’avais fait le mauvais choix.

Il était trois heures du matin lorsque la responsable de ma nouvelle existence m’avait rejoint dans mon bureau. Je l’avais convoquée comme on convoque un employé, usant de la carte de visite qu’elle m’avait laissé. Elle avait décroché immédiatement, fraîche comme si jamais elle ne dormait.

- Oui ?

- C’est Aaron. Il faut qu’on parle du Pac-

- J’arrive.

Elle était donc arrivée, très vite. Je l’attendis devant l’ascenseur, observant les chiffres s’affoler alors qu’elle se rapprochait de moi, au sommet du building.

Lorsque les portes s’ouvrirent, elle me sauta au cou. Ne sachant trop comment réagir, je la pris un peu maladroitement dans mes bras. Elle sentait la cendre, la cannelle et une autre chose que je ne savais définir.

- C’est bon de te revoir. Avait-elle dit de sa voix entre deux âges. J’avais hoché la tête, elle s’était détachée de moi, m’avait contemplé. Tu as meilleure mine.

- Sans doute.

Comme si cela avait mis fin à la conversation, elle avait commencé à déambuler dans le bureau, s’approchant de l’immense baie vitrée depuis laquelle je pouvais contempler la ville entière et les montagnes au loin.

- Quelle magnifique vue.

- Je devrais te remercier pour ça...

- Mais tu ne vas pas le faire.

Elle s’était retournée, avait posé son regard perçant sur moi et pris place à mon bureau, sur le siège que j’occupais actuellement.

- Tu ne m’as pas appelée pour me dire merci, je le sens bien. Alors dis-moi ce qui se passe ?

À nouveau elle s’était mise en position de force. Et je l’avais laissé faire, tant l’autorité, la maîtrise de cette fille semblait naturelle. Et puis, elle m’avait sauvé.

Je voulus ouvrir la bouche, mais il y eut un bruit, dans l’ascenseur. Les yeux de Mitsuko - car c’était le nom qu’elle m’avait donné - s’écarquillèrent. Elle soupira.

- Je me disais bien que je n’aurais pas le temps de discuter...

- De quoi tu parles ?

Il y eut un nouveau choc. Un bruit métallique, à glacer le sang. Je me levai, elle fit de même mais son regard happa le mien, m’empêchant de me retourner.

- J’ai eu... quelques ennuis, récemment. J’étais en train de déménager quand tu m’as appelé, j’ai cru que je pourrais régler ton problème au passage, mais... ils ont été plus rapides.

- Qui ça ?

Avec une rapidité inhumaine, elle bondit sur le bureau, me saisit la tête entre ses deux mains.

- Ce n’est pas important. Écoute-moi bien.

Les bruits se multiplièrent, se rapprochèrent. Mitsuko posa son front contre le mien.

- Les montagnes seront ma nouvelle demeure, si tu veux m’y trouver il faudra que tu t’y rendes. En attendant, je vais faire en sorte qu’ils ne te touchent pas.

Sur ces mots fiévreux, elle m’embrassa sur le front et me repoussa brutalement, me forçant à me rasseoir. Aussitôt, ma peau se mit à luire et je sentis une chaleur étrange mais rassurante pulser à travers mes cellules.

- Ferme les yeux.

Je m’exécutai. Une sourde angoisse s’était emparée de moi, je sentais que ce qui se rapprochait était dangereux, trop dangereux pour que je puisse le combattre.

- Tu ne pourras les rouvrir que lorsque tu seras seul.

Durant une seconde, je n’entendis plus rien. Puis un bruit de cristal transperça mes tympans alors qu’une pluie de verre s’abattait sur moi. Je me recroquevillai sur mon siège alors que je sentais des formes étranges, dures comme du roc frôler mes épaules et mes jambes, toutes en direction de l’extérieur. Il y eut quelques cris, entre exclamations et jappements... puis le silence.

Je sentais que j’étais seul et je l’étais en effet.

Lorsque je rouvris mes paupières, la lumière avait quitté mon corps mais ce n’était pas le plus flagrant : la baie vitrée avait volé en éclat, comme si elle avait été transpercée par une dizaine de corps. Le vent glacé de l’extérieur s’était engouffré dans mon bureau, me laissant effrayé et tremblant. Et en-dessous, la ville continuait de vivre, d’être constamment en mouvement, en changement.

Seules les montagnes, au loin, semblaient immuables. En dirigeant mon regard vers elle, je sentis alors un sentiment étrange, un appel déchirant de leur part, de sa part. La traque avait commencé, je pouvais le ressentir dans mes veines. Il fallait que je la trouve avant que les Autres ne le fassent, tant pour moi que pour elle. Après tout, nous avions un Pacte à briser.

Ma décision fut prise avant même que l’aube ne surgisse.
La suite des aventures d'Aaron et de Mitsuko (puisqu'ils risquent de ne pas me quitter avant un moment, j'ai préféré leur donner des noms).

En espérant qu'elle vous plaira ! :heart:

Le prochain thème : Drum.

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Soundtrack :
David Sylvian - World Citizen (I Won't Be Disappointed)
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